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Fumisterie et poudre aux yeux : les systèmes avancés de sécurité des véhicules tiendront-ils leurs promesses ?

Par Martin Lavallière, chercheur à l’UQAC

Martin Lavallière, Ph.D., est professeur à l’Unité d’enseignement en kinésiologie du Département des sciences de la santé de l'Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) depuis août 2016. Il a obtenu son baccalauréat (B.Sc. 2005), sa maîtrise (M.Sc. 2007) et son doctorat (Ph.D. 2013) en kinésiologie à l'Université Laval (Québec, Canada). Il a ensuite effectué un stage postdoctoral au MIT AgeLab (2013-15) où il a évalué l'impact sur les performances de conduite du vieillissement, des technologies de navigation et de communication. Il a complété un second stage postdoctoral à HEC Montréal (2015-16) durant lequel il a travaillé sur l'impact des collisions routières reliées au travail. Ses recherches évaluent divers programmes de formation sur simulateur combinés à des rétroactions spécifiques à la conduite pour améliorer les comportements de conduite sur route chez plusieurs clientèles (ex. premiers répondants, etc.). Il est membre du conseil d'administration du Réseau de recherche en sécurité routière du Québec (RRSR) et de différents comités ISO concernant les interfaces homme-machine.

Voyage dans le temps à Boston, mai 2013. Alors que je commençais un stage postdoctoral au AgeLab du Massachusetts Institute of Technology, les constructeurs automobiles et les chercheurs annonçaient en grande pompe les véhicules autonomes déployés partout pour l’année 2020. Force est de constater que nous sommes en 2023 et que cette date a été reportée à plusieurs reprises depuis et on nous projette maintenant un horion de 2030-35.

Mais qu’avons-nous manqué en termes de dates de tombées ou de fixation d’objectifs ? Les technologies et les données pilotes étaient-elles prêtes ou rêvions-nous tout haut ? Peut-être un peu des deux?

Comme cela s'est produit il y a des années dans l'industrie aéronautique, et encore aujourd’hui, l'automatisation a connu de nombreux avantages et inconvénients avec l'amélioration de la sécurité dans les transports et diverses réglementations pour encadrer celle-ci. Et ils le font toujours. Mais les défis de cette industrie diffèrent considérablement de ceux auxquels nous faisons face sur le pavé des routes, avec une grande proximité des utilisateurs et avec diverses sources de distraction et des événements potentiels qui pourraient interférer avec le parcours ou la destination finale des conducteurs. De plus, l’industrie aéronautique compte dans ses avions sur des pilotes très performants qui suivent divers cours et entraînements, des contrôles de santé continus et des règles de travail très strictes. Ils ont également vu avec toutes ces technologies, une pléthore de formations sur des scénarios à haut risque visant à nous protéger en cas de panne de ces automatisations où le pilote comprendrait ce qui se passe et agirait en conséquent.

Du côté des conducteurs de véhicules, qu’avons-nous fait en termes de formation à ces technologies par rapport aux pilotes ? Rien ! Nous accédons à la conduite automobile vers l’âge de 16 ans et c’est tout. C’est l’un des rares domaines que vous rencontrerez dans votre vie où vous n’aurez pas à suivre de formation continue comme nous le ferions pour notre métier ou même dans les sports que vous pratiquez par loisir.

De plus, les voitures sont vendues sans toujours préciser leurs points forts et surtout leurs points faibles [1]. On nous promet des technologies et de la sécurité pour accompagner nos voitures rutilantes sans pour autant nous présenter les limites des technologies embarquées qu'elles contiennent et beaucoup de conducteurs qui achètent des voitures équipées de systèmes de sécurité active apprennent comment ils fonctionnent par essais et erreurs, au lieu de consulter la documentation du véhicule [2]. Ce n’est pas par essais et erreurs que nous devrions apprendre à réagir à une situation d’urgence ! Ce n'est pas un jeu vidéo, c'est une voiture que nous conduisons !!! Sur une note positive, les conducteurs et conductrices ont reconnu l'importance d'apprendre à utiliser correctement ces systèmes avancés de sécurité des véhicules, démontrant qu'il existe une demande pour une formation de conduite efficace et engageante. Malheureusement, de tels programmes ne sont actuellement pas disponibles pour une diffusion à grande échelle parmi les concessionnaires automobiles. Il reste encore beaucoup à découvrir et à documenter sur la manière et le moment où les gens utiliseront ces systèmes avancés de sécurité en conduisant [3] ainsi que sur les défis auxquels nous serons confrontés en cours de route [4].

C’est ce que nous, à l’Association canadienne des professionnels de la sécurité routière (ACSP), visons à accomplir tout au long de ce parcours de développement et d’adoption de technologies pour un déploiement et une adoption complète et adéquate des divers systèmes et des véhicules autonomes. Notre objectif est de mieux éduquer les gens et les conducteurs sur le fonctionnement de ces technologies et les cas où elles ne fonctionneront pas, afin qu'elles soient utilisées de manière appropriée et conformément à leurs spécifications. Nous rendons ces connaissances accessibles au public, via le site Web de l’ACSP, d’un océan à l’autre, en anglais et en français. De plus, cette ressource est disponible gratuitement (https://carsp.ca/fr/news-and-resources/advanced-vehicle-safety-systems/). 

  1. Abraham H, McAnulty H, Mehler B, Reimer B. Case Study of Today's Automotive Dealerships: Introduction and Delivery of Advanced Driver Assistance Systems. Transp Res Rec. 2017; 2660.[]
  2. Nandavar S, Kaye S-A, Senserrick T, Oviedo-Trespalacios O. Exploring the Factors Influencing Acquisition and Learning Experiences of Cars Fitted with Advanced Driver Assistance Systems (ADAS). Transportation Research Part F: Traffic Psychology and Behaviour. 2023; 94: 341-52.[]
  3. Furlan A, Kajaks T, Tiong M, Lavallière M, Campos J, Babineau J, et al. Advanced Vehicle Technologies and Road Safety: A Scoping Review of Evidence. Accid Anal Prev. 2020; 147: 1-13.[]
  4. Hancock PA, Kajaks T, Caird JK, Chignell M, Mizobuchi S, Burns PC, et al. Challenges to Human Drivers in Increasingly Automated Vehicles. Human Factors. 2020; 62(2): 310-28.[]